Bienvenue sur le blog de ce nouveau voyage !

Les Résistants pour la Terre sont des femmes et des hommes ordinaires qui sont entrés en lutte, parfois au péril de leur vie, pour protéger notre environnement et restaurer son équilibre.

L'association « Résistants pour la Terre » a pour but de les repérer et agir en leur faveur.

www.resistantspourlaterre.org


dimanche 29 mai 2011

Manana Kochladze, vigilance géorgienne.



Pour que les projets appuyés par les Institutions Financières Internationales n’oublient pas les citoyens ordinaires.

Tbilissi est en fleur, il y fait bon vivre au printemps. J’y rencontre une femme qui a construit son destin de sa propre volonté. Manana Kochladze a décidé de se consacrer à la protection et des ressources naturelles et des hommes et femmes de son pays.

Manana Kochladze, Tbilissi

De formation scientifique, Manana a quitté la sphère académique pour fonder Green Alternative, l’une des plus importantes ONGs de Géorgie aujourd’hui. « Je suis une biologiste et en tant que telle je m’intéresse aux problématiques environnementales. J’ai décidé qu’il serait mieux d’essayer d’avoir un réel impact sur le pays dès aujourd’hui, plutôt que d’attendre des années que mes travaux scientifiques en aient un. »

Au sein de son association, elle a mené l’une des plus importantes campagnes environnementales dans l’histoire récente de la Géorgie, autour de la construction de l’oléoduc Baku-Tbilisi-Ceyhan, un projet de 3 milliards de dollars mené par British Petroleum. Pour la Géorgie, qui est confrontée à la pauvreté et à l’instabilité politique depuis son indépendance de la Russie en 1991, cet oléoduc  représentait d’importants investissements étrangers et la possibilité de pénétrer les marchés occidentaux. Pour les Etats-Unis, fervent supporter du projet, cet oléoduc est un moyen stratégique de réduire leur dépendance énergétique en utilisant les réserves de pétrole de la mer Caspienne sans passer ni par l’Iran ni par la Russie. Long de 1770 km, il achemine près d’un million de barils de pétrole par jour à travers l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie d’où partent des pétroliers géants vers l’Europe.



« Ce projet était si important que nous savions que nous ne pourrions pas le stopper. Nous avons donc décidé d’envisager une approche plus réaliste en nous assurant que ce projet, financé par la Banque Mondiale, puisse apporter de réels bénéfices aux populations de la région, et pas seulement aux entreprises ».

Construction de l'oleoduc

Manana et son équipe ont travaillé de concert avec les communautés directement affectées par la construction de l’oléoduc, leur apprenant quels étaient leurs droits, leur fournissant une assistance légale lors de conflits…  Mais ce projet a conduit à bien plus de frustrations qu’il n’était escompté. Alors que les rapports officiels essaient d’illustrer à quel point ce projet est positif pour l’économie géorgienne, de nombreux articles de la presse locale et internationale en démontrent l’inverse.  Les pertes pour la population géorgienne l’emportent sur les bénéfices (routes et maisons endommagées, perte de revenus). Pour une partie de cette population, ce projet d’oléoduc s’est donc transformé en piège,  les empêchant de sortir de la pauvreté.

Maison detruite par le passage incessant de camions 

Manifestations des ouvriers du chantier

Courageuse,  tenace,Manana a néanmoins réussi à remporter d’importantes concessions du gouvernement etdes industries multinationales impliquées, que ce soit au niveau de compensations pour les habitants des zones concernées et plus globalement pour la protection de leur environnement. Ce qui fut une victoire de taille pour une jeune démocratie émergeant de l’ancien bloc communiste !

Aujourd’hui, Manana est moins sur le terrain mais elle demeure les yeux et les oreilles des citoyens ordinaires de Géorgie,ens’assurant que leurs intérêts sont bien pris en compte. Elle oriente le travail des politiques et leur fournit des recommandations sur les axes à emprunter. « C’est moins excitant, cela peut être épuisant et frustrant car il faut sans cesse recommencer mais c’est une réalité du travail : fournir une expertise qui devrait permettre de faire les bons choix… »

Et pour ces nouveaux combats qui émergent quotidiennement sur le terrain, la relève est déjà là, à ses côtés. Comme David Chipashvili qui accompagne les habitants d’un quartier de Tbilissi afin qu’ils obtiennent de justes compensations pour la destruction de leurs maisons.

David vient donner des nouvelles aux habitants

Manana conclue «au départ, nous ne pensions pas à l’aspect social ou économique du problème. Mais nous avons compris que le point central réside justement dans l’intégration de ces points – ce qui est bien plus bénéfique pour la population et plus efficace pour la protection de l’environnement. »


Pour en savoir plus :

Sur l’ONG Green Alternative :www.greenalt.org

Sur le Prix Goldman : www.goldmanprize.org

vendredi 22 avril 2011

Nous n’oublions jamais nos arbres


Au printemps, des arbres voyagent à travers toute l’Arménie pour trouver leur terre d’accueil.

 « Regardez autour de vous, faites attention à la manière dont les hommes exploitent les forêts, l’eau, la terre…Tant de gâchis montrent à l’évidence que l’homme n’est pas encore (ou n’est plus) prêt à vivre en harmonie avec la nature. » Voilà les premières phrases du manuel d’éducation à l’environnement développé par l’Armenia Tree Project

Pourtant cela n’a pas toujours été le cas en Arménie. Dès le 8ème siècle avant JC, le roi Sardur plantait de vastes forêts autour de sa capitale pour en tempérer le climat. Les arbres protègent les sols de l’érosion, ils permettent à l’eau de pénétrer la terre facilement prévenant ainsi  les inondations, ils purifient l’air… Bref, leur importance n’est pas à démontrer. 

Mais au début des années 90, le destin semble s’acharner sur ce petit pays. Tremblement de terre, conflit avec l’Azerbaïdjan et dislocation de l’URSS provoquent une crise énergétique sans précédent… Il faut bien alors lutter contre le froid hivernal et seul le bois reste disponible. Les arbres tombent et brûlent dans les poêles, les forêts et les parcs se transforment en terres pelées. Ces forêts, dont il ne reste sans doute plus que 10% de la surface originelle, semblent condamnées…

Arménie, monastère de Goshavank

C’est alors qu’une poignée d’arméniens décide de créer l’ATP pour remplacer ces arbres coupés et empêcher que leur pays ne se transforme en désert de pierre… Tout d’abord en ciblant les espaces publics puis en entrant chez les gens en leur fournissant des arbres fruitiers. Leurs résultats sont impressionnants : entre 1994 et  2010, près de 3,5 millions d’arbres ont été planté sur plus de  800 sites. Et avec l’expérience, leur taux de survie avoisine les 90% !

Début avril, à Erevan, le printemps est déjà là et c’est le rush. Je rencontre l’équipe d’ATP au moment où ils ont le plus de travail, des milliers d’arbres attendent de trouver leur jardin, leur montagne.  C’est une bien longue journée qui débute pour Areg et Arthur.  Tous deux vont traverser  tout le nord de l’Arménie. Première étape, la pépinière de Karyn, la plus ancienne. C’est ici qu’ils vont récupérer une première partie des arbres qui vont voyager aujourd’hui.  Direction ensuite les villages de Kalavan et de Drabek, pour de nouvelles brassées de ces jeunes arbres. Des habitants en ont pris soin pendant  deux à trois ans avant de pouvoir les vendre à l’association.  Patiemment, Arthur s’assure de la qualité de ce qui lui est présenté et explique pourquoi il doit en rejeter une partie. 

Pépinière de Karin, préparation des jeunes arbres

Sélection par Arthur des arbres au village de Kalavan

Fournir des revenus supplémentaires aux familles les plus fragiles de zones rurales et montagneuses participe de la cohérence globale du projet. Des centaines d’emplois ont été ainsi créés à travers le pays. « Avant l’arrivée d’ATP, le village partait à l’abandon, il n’y avait aucune perspective d’avenir ici. » se souvient Henrik Gabrielyan le maire d’Aygut, petit village près du lac de Sevan. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, la vie revient. Le nombre d’élèves à l’école du village est repassé de 97 à 225 ! 

Village d'Aknaghbiur, les arbres sont enfin là

Fin de journée. Nous arrivons au village d’Aknaghbiur. Les habitants se sont déjà rassemblés autour de la mairie. Chacun d’entre eux repartira avec 4 arbres fruitiers d’espèces indigènes et différentes, à leur charge d’en prendre soin. Le silence se fait, Arthur donne des conseils et répond aux questions. Des yeux pétillent, de vieilles mains se serrent sur de jeunes troncs. Arthur leur donne rendez-vous dans quelques mois, il reviendra s’assurer que tout va bien. Dans un beau sourire, Areg confirme : « nous n’oublions jamais nos arbres. »

Pêchers devant l'église de St Gevorg (by ATP)

Le prochain défi à relever, c’est la mise en place d’un plan de gestion forestière durable et efficace. Et pour cela, il s’agit de nouveau d’associer les communautés, afin qu’elles veillent sur les forêts comme elles le font de leur jardin. 

Session d'éducation environnementale à Karin (by ATP)

L’équipe d’ATP est plus enthousiaste que jamais. Voilà des années qu’elle travaille avec les jeunes et qu’elle place l’avenir dans leurs mains. Jeff Masarjian, le directeur d’ATP en rêve : « nous espérons qu’ils deviennent les nouveaux gardiens de la Terre et qu’à mesure que ces nouvelles générations mûrissent, elles établissent de nouvelles priorités. »

Les graines ont été plantées.


Pour en savoir plus : 
Sur l'ONG Armenia Tree Project : www.armeniatree.org 

dimanche 3 avril 2011

Réconcilier l'Homme et l'Animal

    
De jeunes biologistes turques tentent de donner une place à chacun au milieu de steppes désolées. 
    
Difficile de faire une nouvelle rencontre autour d’un meurtre. Et pourtant…

Située au nord de la Turquie, non loin de la frontière arménienne, Kars est la ville siège du livre Neige qui a valu à Orhan Pamuk son prix Nobel de littérature. C’est dans le vent et le froid de mars que je la découvre, ainsi que les projets ambitieux que mènent les militants écologistes de KuzeyDoğa. 

Emrah Çoban,  coordinateur scientifique, vient me retrouver pour me les présenter. Et je suis immédiatement plongé dans son quotidien. Direction l’Université Vétérinaire, où l’on vient d’apporter le corps sans vie d’un hibou Grand-Duc. C’est déjà le troisième cette semaine et il faut en découvrir les causes. Un virus ? Un parasite ? Non, l’autopsie révèle une cause bien plus simple. Espèce menacée, paisible et que l’on ne mange pas, elle a été pourtant tué par un chasseur. Consternation dans l’équipe, il est toujours difficile de faire face à la bêtise humaine.

Autopsie d'un Hibou Grand Duc 
  
Dans une région où les hommes et la nature sauvage doivent cohabiter, les sources de conflits sont nombreuses. Les forêts ont rétréci, avalées par des villes et des décharges fournissant une nourriture facile et abondante à la faune sauvage qui se multiplie. Les montagnes Sarıkamış abritent de nombreux grands mammifères. S’y opposent ours et apiculteurs, loups et bergers, sangliers et cultivateurs… Prévenir ces conflits, c’est aujourd’hui un des axes prioritaires du travail de KuzeyDoğa. 
  
 Ours pris par un piège photo dans la forêt Sarıkamış (by KuzeyDoğa

La première étape a été de rencontrer sur le terrain toutes les communautés pour les écouter, prendre en compte leurs difficultés et réussir à travailler avec eux. Ensuite, il s’agit aujourd’hui de fermer les décharges afin de réguler les populations d’animaux et retrouver un équilibre. Puis la création d’un corridor écologique (premier projet de ce type mené en Turquie) permettrait à la faune sauvage de se déplacer sans quitter son habitat. Enfin, promouvoir l’écotourisme permettrait d’assurer des revenus supplémentaires aux habitants. 

L’ampleur de la tâche ne fait pas peur à ces militants qui ont déjà derrière eux d’impressionnantes victoires. Dès 2003, Çağan Şekercioğlu (président de KuzeyDoğa) initie un projet de biodiversité autour du lac de Kuyucuk et de sa faune fantastique. Juste 6 ans après, le site reçoit le statut Ramsar, la vieille route qui coupait le lac est devenue une île artificielle où les oiseaux peuvent se nourrir et nicher à l’abri…Leur travail est salué dans le monde entier et reçoit des prix prestigieux…
  
 Lac Kuyucuk et Mont Ararat par une belle soirée d'été (by KuzeyDoğa
   
Emrah termine d’ailleurs cette année sa thèse sur les oiseaux du lac Kuyucuk et sa passion est palpable. En route pour le centre de recherche d’Aras, il scrute le ciel du canyon et son visage s’éclaire lorsqu’il remarque plusieurs vautours, bien rares aujourd’hui par ici. C’est Sedat Inak, un des rares scientifiques turc habilité à baguer des oiseaux, qui nous accueille au centre. Le voir délivrer avec délicatesse ces oiseaux piégés par leurs filets, les peser, les mesurer puis les relâcher est un plaisir. L’an dernier, en deux mois et demi de campagne et avec l’aide de 61 volontaires venus du monde entier, ils ont pu recenser près de 150 espèces et baguer plus de 7800 oiseaux. Cette année, la campagne débute bien, Sedat a pu baguer pour la première fois en Turquie un oiseau encore jamais vu dans la région (Bruant à Calotte Blanche).
   
Libération par Sedat d'un oiseau après l'avoir bagué
  
Je suis frappé par la jeunesse de ces biologistes qui s’engagent aujourd’hui pour protéger leur nature. Par leur envie et leur volonté de faire que tous puissent vivre ensemble et que chacun trouve sa place, hommes et animaux. Dans cette région à l’histoire troublée et où certaines frontières restent fermées, ils sont un bel espoir de coexistence intelligente et apaisée.

Pour en savoir plus :
Sur l’ONG Kuzeydoga: www.kuzeydoga.org 
Sur le lac Kuyucuk: www.kuyucuk.org
Sur l’appellation RAMSAR : www.ramsar.org

dimanche 20 mars 2011

Pendant ce temps, en France.

Rencontre entre Marc ONA-ESSANGUI (Prix Goldman 2009) et Bruno VAN PETEGHEM (Prix Goldman 2001)   
Marc est en France pour faire la promotion d’un rapport édité en aout 2010, par BrainForest (Impacts exploitation minière sur les populations et l’environnement, au Gabon). 
  
Bruno Van Peteghem et Marc Ona Essangui
   
En quelques mots, quelle est la situation sur le terrain aujourd'hui ?
"La situation environnementale est un peu trouble depuis un certain temps car des lois récentes ont été adoptées : Code de l’Environnement qui constitue une référence, le Code Forestier et tout dernièrement le Code des Hydrocarbures … Des réglementations qui obligent les multinationales à respecter les engagements pris dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. 
  
Mais le véritable problème, c’est la collusion qui existe entre les opérateurs économiques et les hommes politiques. Le député qui représente le peuple se trouve en position de délivrer un permis d’exploitation à une entreprise chinoise, française, américaine…. A laquelle il s’associe ! 
   
Il délivre donc un véritable « chèque en blanc », opposable aux ONGs vigilantes et objectives sur le terrain car, même si le Code de l’Environnement stipule que tout opérateur doit réaliser une étude d’impact environnementale et sociale, ce que tout le monde fait, il existe un véritable fossé entre la réalisation de l’étude et le contrôle des PGES (plan de gestion environnementale et sociale). 
   
Le certificat de conformité est délivré mais sans réelles vérifications sur le terrain… et plus rien ne peut arrêter le mastodonte !Les dégâts sont énormes, à la fois sur les plans humains et environnementaux. Les multinationales sont confortés par les administrations. La seule action possible est un engagement « kamikaze » pour protéger les populations. 
   
Par exemple, lors de l’exploitation du manganèse et des rejets dans le rivières par CAMILORE (filiale d’ERAMET) pendant plus de 40 ans a des conséquences dramatiques. Aujourd’hui, le lit est boueux et l’usage domestique de l'eau est impossible, obligeant la population à aller la chercher à plus de 10 kms…
  
Le schéma est le même pour l’uranium (AREVA), qui génère en plus des impacts destructeurs sur la vie. Les cancers du poumon sont nombreux mais l’origine n’est pas corrélée à l’exploitation minière…. selon les exploitants. La preuve doit être faite par ceux qui subissent la pollution et les contraintes ! (un vrai scandale humain …malheureusement trop fréquent sur la planète)."
   
Quelles seraient  les solutions attendues ?
  
1)     L'obtention d'une indemnisation et une reconnaissance de la relation de cause à effet.
2)     Un engagement ferme pris par les entreprises de réhabilitation des sites touchés et que tous les déchets soient retraités de manière industrielle et non pas rejetés dans la nature, lieu de vie du peuple de la forêt.
3)    La mise en oeuvre d'une réelle politique efficace de lutte pour préserver l’environnement.
   
Découvrir le rapport complet sur le site de BrainForest :
http://www.brain-forest.org/img/Impacts_exploitation_miniere_HautOgooue.pdf
   
Propos recueillis par Bruno Van Peteghem

vendredi 18 mars 2011

Le vieil homme qui plantait des arbres

Rahim Demirbas est un vieil homme. Sa vie est pleine et ce qui semble lui apporter aujourd'hui une certaine sérénité est la contemplation de ses arbres.  
  
Voilà plus de vingt ans qu’il en plante, près d’une centaine d’espèces différentes dans la partie la plus desséchée du plateau anatolien. Sapins, cèdres, abricotiers, noyers, marronniers d’Inde, cerisiers et poiriers sauvages résistent opiniâtrement à la sécheresse et se côtoient avec bonheur. Ce professeur de mathématiques à la retraite a employé la totalité de l’épargne de sa vie et le fruit de la vente de ses deux maisons pour planter et protéger 22.000 arbres sur ces montagnes stériles et ces pâturages battus par un vent incessant. 
    
Rahim Demirbas (by Nicholas Birch)
  
Combattre le désert.
    
Les terres d’Eregli ressemblent à s’y méprendre à un désert. C’est pourtant bien ici, au sud du plateau anatolien et à l’ombre d’une crête baptisée du nom de cerfs disparus il y a bientôt 50 ans que Rahim a décidé dès 1998 de planter sa forêt. 
    
Le village de Beyoren abritait plus de 200 familles en 1940. Il est presque abandonné aujourd’hui. " Bien sûr les villageois ont pensé que j'étais fou, ma famille aussi, mais ils commencent lentement à comprendre". Du village, on peut voir dérouler la vallée et presque 10.000 arbres monter sur les flancs opposés de la montagne, notamment les plus vieux d’entre eux, des cèdres hauts maintenant de plus de six mètres.
    
Au cours de ces dernières années, Rahim a planté 12.000 arbres de plus sur une seconde portion de terre qu'il a acheté à quelques kilomètres de distance, en descendant vers la plaine. Il se tourne pour regarder plus bas une vaste cuvette déboisée que surmonte à l’horizon la ligne des monts Taurus couverts de neige. "Une goutte dans l'océan" soupire-t-il "mais Mevlana rappelle que  chaque goutte d'eau alimente l'océan."
   
Rahim est un autodidacte, il a été le premier habitant de Beyoren à obtenir une éducation universitaire. A l’heure de prendre sa retraite au début des années 90, il avait mis de côté une somme d'argent considérable. Ensuite il a réussi à en gagner encore plus, en vendant des tapis aux touristes dans la ville de Konya. Il a utilisé cet argent (plus de 110 000€) pour acheter de jeunes arbres et des barrières afin de les protéger et d’empêcher les chèvres d’entrer pour les manger. Aujourd'hui, même s’il ne lui reste presque plus rien, il veut continuer à planter. Alors il cite un proverbe du prophète Mohamed : " Si vous avez un jeune arbre, plantez-le, même si le jour du jugement dernier est arrivé." Dans un grand sourire, il dit devoir en planter 28.000 supplémentaires afin d’atteindre un beau total de 50.000 arbres. 
    
Plus que pour l'argent, il s’inquiète du  manque d'eau. Il a déjà posé six kilomètres de tuyaux pour que l'eau du Karacadag parviennent jusqu’à sa forêt, et il a construit six piscines pour la stocker.  Mais il y a de moins en moins de neige sur la montagne chaque année, et les piscines sont à sec dès août. Après avoir essayé seul de creuser un puits, il souhaiterait que le Département d’Etat lui apporte son aide. « Je les payerais » assure-t-il « ce n’est pas de la charité que je veux, mais un forage approprié ». Un peu plus d'eau, et il se dit sûr de pouvoir couvrir totalement le flanc est de la montagne d’une forêt aussi dense qu’elle pouvait l’être il y a cent ans, avant que les gens du pays n’aient coupé tous les arbres et déchiré leurs racines pour se chauffer. 
    
« Mes ancêtres étaient des nomades » explique Rahim « ils installaient leurs tentes, prenaient ce dont ils avaient besoin, et puis se déplaçaient. Parfois je pense que la Turquie n'a jamais quitté sa tente. La vitesse à laquelle nous épuisons ce pays, c’est comme si nous avions prévu de la déplacer ailleurs dès demain. » 
   
Croire que les arbres peuvent sauver le monde.
    
Voilà plus de deux décennies que Rahim a commencé à planter sa forêt, en persuadant des villageois de Beyoren de le suivre jusqu'à la montagne pour y semer des glands. Un de sept enfants, son fils Halil pense que le projet a pris beaucoup plus de signification pour son père après que son plus jeune fils soit mort, à l’âge de 18 ans.  «Il voit les arbres comme des souvenirs » murmure Halil, qui dirige une école privée que Rahim a ouverte dans la ville voisine de Karapinar. « Dans notre culture, vous plantez des arbres au-dessus des tombes. Einstein a eu une belle formule : e=mc2. L’énergie ne disparait pas, elle se transforme ».
   
Marchant dans sa forêt, Rahim ne mentionne son fils qu’une seule fois, se rapportant à une croyance répandue dans quelques régions de la Turquie, selon laquelle les feuilles tombant des arbres en automne éclairent les péchés des morts et leur chemin vers le paradis. Sa phrase se perd dans le silence, il s'arrête et regarde vers le ciel, toujours gris, toujours sec. 
    
Il s'assied au pied d'un sapin et prend une gorgée d'une bouteille d'eau. Alors qu’il était enfant,  il avait l'habitude au printemps de voler des oisillons dans les nids et il essayait de les élever lui-même. Ils n'ont jamais survécus très longtemps. Aujourd’hui, près de la moitié des arbres ont des nids. « Les oiseaux m'ont pardonné ». Il se lève, soupire, satisfait. « Reposez-vous sur cette terre pendant cinq minutes et vous vous sentez régénéré. J'ai quitté le village quand je n'avais que 17 ans, mais le village, lui ne m’a jamais quitté. »
    
Source : Nicholas Birch

dimanche 6 mars 2011

Tuzkoy, une histoire de cancer aux portes de la Cappadoce.

  Vallée des Pigeons et Mont Erciyes
  
La Cappadoce est un pays de superlatifs. Ses paysages volcaniques sont parsemés de magnifiques vallées aux étranges formations rocheuses, de grottes aux fresques colorées et de superbes habitations troglodytes. Peu surprenant alors de voir s’y presser les touristes du monde entier. Mais bien peu d’entre eux savent que cette terre peut aussi apporter une mort insidieuse à ses habitants.
  
Vallée Rose
  
Au village de Tuzkoy, près de la moitié des décès sont dus au mésothéliome, un cancer qui pourrait être causé par un minerai qu'on trouve en abondance dans la région. Deux autres villages situés à proximité sont aussi touchés par ce phénomène et les autorités, alarmées, ont décidé d'évacuer les habitants et de les installer ailleurs. "Le projet, c'est de démolir le vieux village, de l'enterrer sous un mètre et demi de terre et de replanter par-dessus", explique le maire, Umit Balak. Le gouvernement turc n'a toutefois pas pris de décision définitive.
"Le nombre de cas de mésothéliome à Tuzkoy a été environ 600 à 800 fois supérieur à la moyenne mondiale", note Murat Tuncer, qui dirige le service de lutte contre le cancer au ministère turc de la Santé. Environ 48% des décès survenus dans les trois villages sont dus au mésothéliome. Plusieurs centaines de personnes seraient mortes de ce cancer depuis les années 1980, quand les autorités ont commencé à prendre conscience de ce problème.
   
Village d'Uçhisar et habitations troglodytes
    
Les habitants de Tuzkoy auraient inhalé des fibres d'érionite -un minerai- dans des pierres et des peintures qu'ils utilisaient pour bâtir leurs maisons, ainsi que sur les routes et dans les champs. "Dans la plupart de ces pays, les substances cancérigènes se trouvent généralement profondément sous terre. En Turquie, toutefois, elles sont très proches de la surface", souligne Izzettin Baris, professeur retraité ayant fait des recherches sur le mésothéliome dans la région. "Et les gens prennent les pierres contenant de l'érionite et construisent des maisons avec."
   
 Village de Kaymakli et maisons abandonnées
    
Les autorités sanitaires sont conscientes du problème depuis au moins deux décennies, et le gouvernement envisage de démolir le village depuis 1999. Mais des contraintes financières, des obstacles bureaucratiques et une série de gouvernements instables ont ralenti les efforts visant à répondre à ce problème depuis onze ans. Les autorités espèrent quand même que le "nouveau Tuzkoy" sera terminé d'ici fin 2011.
   
Vie quotidienne dans la vallée d'Ilhara
   
Pour en savoir plus :

vendredi 4 mars 2011

Censure en Turquie

Incident de parcours, il n'est plus possible en Turquie d'accéder à la plate-forme de blogs gérée par Google.
Heureusement, il est encore possible de publier des messages mais sans en voir le le résultat. Il faudra donc attendre de sortir du pays pour y accéder à nouveau... 
   
La plate-forme Blogger bloquée en Turquie
Article du Monde du 04 mars 2011
  
"Blogger, dernière victime en date d'un blocage sur Internet en Turquie", titre Hürriyet. La justice a en effet décidé d'interdire l'accès à la plate-forme de blogs Blogger, propriété de Google, rapporte la presse, mercredi 2 mars. "Cette interdiction devrait entrer en vigueur dans quelques jours, à moins d'être contestée devant les tribunaux", poursuit le quotidien.
  
Pour justifier cette mesure, la cour a expliqué que certains blogs ont porté atteinte au droit d'auteur, en diffusant illégalement sur leurs pages des retransmissions de matches de football. C'est le groupe Digiturk, qui diffuse plusieurs chaînes par satellite, qui est à l'origine de la plainte.
  
Mais pour le cyberactiviste Yaman Akdeniz, cité dans Hürriyet, cette interdiction est une "réponse disproportionnée", qui va toucher des millions de personnes. "Je comprends les préoccupations légitimes de Digiturk à propos de ses droits commerciaux, mais l'interdiction de tous ces sites Web ne résoudra pas le problème", poursuit-il. Plus de 600 000 internautes turcs utiliseraient régulièrement Blogger.
  
YOUTUBE LONGTEMPS INTERDIT EN TURQUIE
  
Dans un communiqué de presse, Digiturk souligne que les diffusions illégales n'ont pas cessé, malgré de nombreuses demandes, et rappelle avoir déboursé 321 millions de dollars (230 millions d'euros) pour acquérir les droits de diffusion du championnat de football turc.
  
Ce n'est pas la première fois que Google doit faire face à des interdictions de ses services par les autorités turques. En octobre, une cour d'Ankara a levé une interdiction frappant YouTube. L'accès au site de vidéos de Google était interdit depuis septembre 2007 à la suite d'une plainte d'un particulier dénonçant la diffusion de clips irrévérencieux à l'égard du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk.

lundi 28 février 2011

Quelques nouvelles de Sofia

Deux annonces bien contrastées en Bulgarie. 
  
Le parc naturel Vitocha, au pied duquel se situe Sofia la capitale bulgare, est le plus ancien territoire naturel protégé en Bulgarie. Malheureusement, il vient d'être lâché dans l'arène des investisseurs par décision du Tribunal administratif supérieur de Bulgarie.
En effet, celui ci s'est prononcé en faveur du projet d'une société privée  - Vitocha Ski, qui envisage un élargissement considérable du domaine skiable ainsi que l'installation de nouvelles infrastructures liées à la pratique du ski et un lac artificiel qui servira exclusivement à fournir l'eau pour produire de la neige artificielle.
 
 Sofia et le Parc Vitocha à flanc de montagne
  
Mais il y a heureusement de quoi rassurer les écologistes bulgares.
Selon les modifications finales adoptées par les députés concernant la Loi des forêts, les territoires sous statut de fond forestier ne devraient plus changer de statut pour devenir éligibles en tant que terrains de construction.
Il s'agit de stopper une pratique abusive de ces dernières années consistant à abattre des arbres pour dégager un terrain plus vaste permettant la construction de grands complexes hôteliers.

lundi 14 février 2011

Réduire l'empreinte écologique du voyage

L'empreinte écologique est une mesure de la pression qu'exerce l'homme sur la nature.
C'est avant tout un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d'absorption de déchets.

Voici deux sites intéressants pour prendre conscience de votre propre empreinte écologique :
http://www.agir21.org/flash/empreinteecoweb/loadcheckplugin.html
http://www.wwf.fr/s-informer/calculer-votre-empreinte-ecologique
 

Dans l'optique de réduire au maximum l'empreinte écologique des déplacements induits par ce voyage, l'avion ne sera pris qu'en dernière solution et les trajets terrestres et maritimes seront favorisés. Cela demande évidemment de prendre plus de temps mais permet ainsi de s'imprégner plus facilement de la géographie et des caractéristiques des zones traversées.
     
Prague, vue sur le château et Mala Strana
  

Ainsi, pour rejoindre la Turquie, premier pays de ce périple, il aura fallu de nombreuses heures de bus afin de traverser une vaste partie de l'Europe ( Allemagne, République Tchèque, Autriche, Hongrie, Serbie et Bulgarie...)

 Les ruelles de Mala Strana à Prague


Les lions de Vienne, devant le pavillon de la Sécession

vendredi 14 janvier 2011

Départ prévu pour le 14 février !

Et c'est un nouveau départ qui approche. 

Il ne reste plus qu'un mois d'ultimes préparations avant de parcourir de nouveaux chemins et d'aller rencontrer de nouveaux Résistants pour la Terre. 

De mi février à mi août 2011, six mois sur les routes du Sud Caucase, de l'Asie Centrale et de la Chine (Turquie, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Chine).
Des nouvelles hebdomadaires seront publiées sur ce blog afin de vous permettre de les découvrir. 
Des portraits seront diffusés en collaboration avec Shi-zen, le féminin éthique et pas toc - http://www.shizen-lemag.fr/

Et un travail de fiches pédagogiques sera mis en place par le Club Environnement du Collège Bernard Palissy et diffusé via la plateforme "Vie Scolaire" de Defismed - http://defismed.org/

Alors, à très vite sur le fil...