Bienvenue sur le blog de ce nouveau voyage !

Les Résistants pour la Terre sont des femmes et des hommes ordinaires qui sont entrés en lutte, parfois au péril de leur vie, pour protéger notre environnement et restaurer son équilibre.

L'association « Résistants pour la Terre » a pour but de les repérer et agir en leur faveur.

www.resistantspourlaterre.org


vendredi 22 avril 2011

Nous n’oublions jamais nos arbres


Au printemps, des arbres voyagent à travers toute l’Arménie pour trouver leur terre d’accueil.

 « Regardez autour de vous, faites attention à la manière dont les hommes exploitent les forêts, l’eau, la terre…Tant de gâchis montrent à l’évidence que l’homme n’est pas encore (ou n’est plus) prêt à vivre en harmonie avec la nature. » Voilà les premières phrases du manuel d’éducation à l’environnement développé par l’Armenia Tree Project

Pourtant cela n’a pas toujours été le cas en Arménie. Dès le 8ème siècle avant JC, le roi Sardur plantait de vastes forêts autour de sa capitale pour en tempérer le climat. Les arbres protègent les sols de l’érosion, ils permettent à l’eau de pénétrer la terre facilement prévenant ainsi  les inondations, ils purifient l’air… Bref, leur importance n’est pas à démontrer. 

Mais au début des années 90, le destin semble s’acharner sur ce petit pays. Tremblement de terre, conflit avec l’Azerbaïdjan et dislocation de l’URSS provoquent une crise énergétique sans précédent… Il faut bien alors lutter contre le froid hivernal et seul le bois reste disponible. Les arbres tombent et brûlent dans les poêles, les forêts et les parcs se transforment en terres pelées. Ces forêts, dont il ne reste sans doute plus que 10% de la surface originelle, semblent condamnées…

Arménie, monastère de Goshavank

C’est alors qu’une poignée d’arméniens décide de créer l’ATP pour remplacer ces arbres coupés et empêcher que leur pays ne se transforme en désert de pierre… Tout d’abord en ciblant les espaces publics puis en entrant chez les gens en leur fournissant des arbres fruitiers. Leurs résultats sont impressionnants : entre 1994 et  2010, près de 3,5 millions d’arbres ont été planté sur plus de  800 sites. Et avec l’expérience, leur taux de survie avoisine les 90% !

Début avril, à Erevan, le printemps est déjà là et c’est le rush. Je rencontre l’équipe d’ATP au moment où ils ont le plus de travail, des milliers d’arbres attendent de trouver leur jardin, leur montagne.  C’est une bien longue journée qui débute pour Areg et Arthur.  Tous deux vont traverser  tout le nord de l’Arménie. Première étape, la pépinière de Karyn, la plus ancienne. C’est ici qu’ils vont récupérer une première partie des arbres qui vont voyager aujourd’hui.  Direction ensuite les villages de Kalavan et de Drabek, pour de nouvelles brassées de ces jeunes arbres. Des habitants en ont pris soin pendant  deux à trois ans avant de pouvoir les vendre à l’association.  Patiemment, Arthur s’assure de la qualité de ce qui lui est présenté et explique pourquoi il doit en rejeter une partie. 

Pépinière de Karin, préparation des jeunes arbres

Sélection par Arthur des arbres au village de Kalavan

Fournir des revenus supplémentaires aux familles les plus fragiles de zones rurales et montagneuses participe de la cohérence globale du projet. Des centaines d’emplois ont été ainsi créés à travers le pays. « Avant l’arrivée d’ATP, le village partait à l’abandon, il n’y avait aucune perspective d’avenir ici. » se souvient Henrik Gabrielyan le maire d’Aygut, petit village près du lac de Sevan. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, la vie revient. Le nombre d’élèves à l’école du village est repassé de 97 à 225 ! 

Village d'Aknaghbiur, les arbres sont enfin là

Fin de journée. Nous arrivons au village d’Aknaghbiur. Les habitants se sont déjà rassemblés autour de la mairie. Chacun d’entre eux repartira avec 4 arbres fruitiers d’espèces indigènes et différentes, à leur charge d’en prendre soin. Le silence se fait, Arthur donne des conseils et répond aux questions. Des yeux pétillent, de vieilles mains se serrent sur de jeunes troncs. Arthur leur donne rendez-vous dans quelques mois, il reviendra s’assurer que tout va bien. Dans un beau sourire, Areg confirme : « nous n’oublions jamais nos arbres. »

Pêchers devant l'église de St Gevorg (by ATP)

Le prochain défi à relever, c’est la mise en place d’un plan de gestion forestière durable et efficace. Et pour cela, il s’agit de nouveau d’associer les communautés, afin qu’elles veillent sur les forêts comme elles le font de leur jardin. 

Session d'éducation environnementale à Karin (by ATP)

L’équipe d’ATP est plus enthousiaste que jamais. Voilà des années qu’elle travaille avec les jeunes et qu’elle place l’avenir dans leurs mains. Jeff Masarjian, le directeur d’ATP en rêve : « nous espérons qu’ils deviennent les nouveaux gardiens de la Terre et qu’à mesure que ces nouvelles générations mûrissent, elles établissent de nouvelles priorités. »

Les graines ont été plantées.


Pour en savoir plus : 
Sur l'ONG Armenia Tree Project : www.armeniatree.org 

dimanche 3 avril 2011

Réconcilier l'Homme et l'Animal

    
De jeunes biologistes turques tentent de donner une place à chacun au milieu de steppes désolées. 
    
Difficile de faire une nouvelle rencontre autour d’un meurtre. Et pourtant…

Située au nord de la Turquie, non loin de la frontière arménienne, Kars est la ville siège du livre Neige qui a valu à Orhan Pamuk son prix Nobel de littérature. C’est dans le vent et le froid de mars que je la découvre, ainsi que les projets ambitieux que mènent les militants écologistes de KuzeyDoğa. 

Emrah Çoban,  coordinateur scientifique, vient me retrouver pour me les présenter. Et je suis immédiatement plongé dans son quotidien. Direction l’Université Vétérinaire, où l’on vient d’apporter le corps sans vie d’un hibou Grand-Duc. C’est déjà le troisième cette semaine et il faut en découvrir les causes. Un virus ? Un parasite ? Non, l’autopsie révèle une cause bien plus simple. Espèce menacée, paisible et que l’on ne mange pas, elle a été pourtant tué par un chasseur. Consternation dans l’équipe, il est toujours difficile de faire face à la bêtise humaine.

Autopsie d'un Hibou Grand Duc 
  
Dans une région où les hommes et la nature sauvage doivent cohabiter, les sources de conflits sont nombreuses. Les forêts ont rétréci, avalées par des villes et des décharges fournissant une nourriture facile et abondante à la faune sauvage qui se multiplie. Les montagnes Sarıkamış abritent de nombreux grands mammifères. S’y opposent ours et apiculteurs, loups et bergers, sangliers et cultivateurs… Prévenir ces conflits, c’est aujourd’hui un des axes prioritaires du travail de KuzeyDoğa. 
  
 Ours pris par un piège photo dans la forêt Sarıkamış (by KuzeyDoğa

La première étape a été de rencontrer sur le terrain toutes les communautés pour les écouter, prendre en compte leurs difficultés et réussir à travailler avec eux. Ensuite, il s’agit aujourd’hui de fermer les décharges afin de réguler les populations d’animaux et retrouver un équilibre. Puis la création d’un corridor écologique (premier projet de ce type mené en Turquie) permettrait à la faune sauvage de se déplacer sans quitter son habitat. Enfin, promouvoir l’écotourisme permettrait d’assurer des revenus supplémentaires aux habitants. 

L’ampleur de la tâche ne fait pas peur à ces militants qui ont déjà derrière eux d’impressionnantes victoires. Dès 2003, Çağan Şekercioğlu (président de KuzeyDoğa) initie un projet de biodiversité autour du lac de Kuyucuk et de sa faune fantastique. Juste 6 ans après, le site reçoit le statut Ramsar, la vieille route qui coupait le lac est devenue une île artificielle où les oiseaux peuvent se nourrir et nicher à l’abri…Leur travail est salué dans le monde entier et reçoit des prix prestigieux…
  
 Lac Kuyucuk et Mont Ararat par une belle soirée d'été (by KuzeyDoğa
   
Emrah termine d’ailleurs cette année sa thèse sur les oiseaux du lac Kuyucuk et sa passion est palpable. En route pour le centre de recherche d’Aras, il scrute le ciel du canyon et son visage s’éclaire lorsqu’il remarque plusieurs vautours, bien rares aujourd’hui par ici. C’est Sedat Inak, un des rares scientifiques turc habilité à baguer des oiseaux, qui nous accueille au centre. Le voir délivrer avec délicatesse ces oiseaux piégés par leurs filets, les peser, les mesurer puis les relâcher est un plaisir. L’an dernier, en deux mois et demi de campagne et avec l’aide de 61 volontaires venus du monde entier, ils ont pu recenser près de 150 espèces et baguer plus de 7800 oiseaux. Cette année, la campagne débute bien, Sedat a pu baguer pour la première fois en Turquie un oiseau encore jamais vu dans la région (Bruant à Calotte Blanche).
   
Libération par Sedat d'un oiseau après l'avoir bagué
  
Je suis frappé par la jeunesse de ces biologistes qui s’engagent aujourd’hui pour protéger leur nature. Par leur envie et leur volonté de faire que tous puissent vivre ensemble et que chacun trouve sa place, hommes et animaux. Dans cette région à l’histoire troublée et où certaines frontières restent fermées, ils sont un bel espoir de coexistence intelligente et apaisée.

Pour en savoir plus :
Sur l’ONG Kuzeydoga: www.kuzeydoga.org 
Sur le lac Kuyucuk: www.kuyucuk.org
Sur l’appellation RAMSAR : www.ramsar.org